Végétal local : en levant des freins bien identifiés, la filière se structure peu à peu
Alors qu’un cahier technique régulant la collectede plantes pour la marque Végétal local vient de sortir, ses principaux animateurs font le point sur la construction de ce réseau.
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Végétal local est un outil de traçabilité grâce auquel des collecteurs et producteurs ont la possibilité de valoriser les plantes sauvages et locales. Les végétaux qui sont vendus sous cette marque sont utilisés en restauration écologique, en revégétalisation, en génie écologique, en agroécologie et en agroforesterie. Cette filière a été lancée en 2015.
Des savoir-faire très précis à acquérir
La gouvernance de Végétal local associe quatre réseaux, qui lui apportent une richessed’expertises complémentaires. La marque est propriété de l’Office français de la biodiversité (OFB), une agence d’État qui assure sa coordination. Le réseau des conservatoires botaniques nationaux, qui travaille sur la connaissance et la conservation de la flore sauvage et des habitats naturels, en assure l’animation. Plante & Cité, la plateforme nationale d’études et d’expérimentations sur les espaces verts et le paysage, ainsi que l’Association française des arbres champêtres et Agroforesteries (Afac-Agroforesteries) participent à la coanimation nationale et locale.
Damien Provendier, salarié des conservatoires botaniques nationaux, est l’animateur national technique de cette marque collective, en lien étroit avec Baptiste Sanson, responsable de projet à l’Afac-Agroforesteries, pour l’animation des têtes de réseau.
Les freins au développement de la filière sont de plusieurs ordres : en amont, il n’y a pas assez de candidats porteurs de projets, car, comme le constate Damien Provendier, « être à la fois botaniste, agriculteur et pépiniériste n’est pas évident ». Il y a aussi un savoir-faire technique très précis à acquérir. En aval, l’innovation pour les prescripteurs est d’accepter de ne pas commander sur catalogue, mais d’anticiper en créant de vrais partenariats avec des producteurs.
« Pour travailler le sourçage, explique ce dernier, il faut connaître la filière, rencontrer les producteurs. Cela prend du temps de comprendre le métier de l’autre. C’est aussi notre travail de communiquer, car on constate un manque de compréhension du concept Végétal local. »
« On peut assister parfois à une défiance de certains acteurs, renchérit Baptiste Sanson. Il s’agit d’un marché de niche, la traçabilité est nouvelle. Nous apportons une approche très différente de la biodiversité, car il s’agit de favoriser la multiplicité des caractéristiques des plants, il ne peut pas y avoir de calibrage puisque c’est justement le contraire que l’on recherche. La génétique s’est adaptée à des conditions très variées, de luminosité, de température, d’exposition au soleil. On constate des différences de morphologie, de conduite. »
À terme, 50 % de Végétal local dans le Fonds pour l’arbre
L’Afac-Agroforesteries promeut et met en œuvre des politiques globales de développement de l’arbre et de la haie dans tous les territoires, afin de répondre aux enjeux de transition agroécologique, de lutte contre l’effondrement de la biodiversité et de résilience face au dérèglement climatique. Elle préside actuellement la marque Végétal local et gère tous les aspects pratiques et est engagée dans la démarche Fonds pour l’arbre, un manifeste qui vise la replantation de haies (https://fondspourlarbre.fr).
« Dans ce programme, on est à 46 % d’intégration de végétal local. On souhaite arriver à 50 % dans les politiques publiques de plantations de ligneux, de trames bocagères. La dynamique du réseau Afac, le militantisme des porteurs jouent en faveur de la progression, constate Baptiste Sanson. Si je veux être acteur et m’intéresser à ce que l’on plante, je me soucie de la provenance ! »
Dans cette recherche de cohérence, la mise en place des collectes est plus facile que le lancement de pépinières. L’Afac, pour accompagner ce mouvement, a sorti un cahier technique en 2021, ce qui correspond à une diversification des activités de ses membres. De plus, il est possible de se lancer à toute petite échelle : cela peut être très convivial d’effectuer des collectes, avec des collègues, des botanistes, dans les milieux de connaissance de l’environnement.
C’est ainsi que la Fédération régionale Bourgogne-Franche-Comté de France nature environnement (FNE BFC) s’est lancée dans l’aventure.
De la graine à la plantation
Pour devenir collecteur, il est nécessaire d’être adhérent à la marque et de s’organiser avec ceux déjà présents. FNE BFC l’est depuis 2017 et fédère six personnes. Après des essais de récoltes en 2016, les salariés étudient l’éligibilité des sites, les périodes optimales de maturité des fruits. « Il y a beaucoup d’empirisme, des difficultés à fournir des graines au bon stade, le taux de germination garanti n’est pas possible. Nous avons organisé vingt et une journées de collecte en 2020, mobilisant 168 bénévoles, témoigne Maxence Belle, salarié de FNE BFC. La demande des pépinières a été multipliée par dix entre 2019 et 2020 en valeur ! Cependant, peu d’entre elles savaient faire germer une trentaine d’espèces différentes. C’est en train de revenir. »
Contribuer à la création de pépinières de terroir est une des missions du collectif de la marque. Or c’est compliqué et lourd à mettre en place, avec le besoin de foncier, d’investissements, de statuts pour produire, et donc du savoir-faire.
L’Afac a lancé un cycle de formations à destination des professionnels porteurs de projets solides d’installation. L’objectif est de pouvoir lancer la mise en culture des graines pour des situations très concrètes, mais aussi de créer une nouvelle dynamique d’entraide au sein de cette nouvelle génération de pépiniéristes.
« Il existe, pour cette question de l’offre et de la demande, des injonctions contradictoires, constate Baptiste Sanson. Par exemple, le plan de relance va créer de la demande de plants pour les haies, mais la disponibilité locale n’est pas au rendez-vous. C’est un perpétuel ajustement. L’Afac est là pour organiser collectivement ce marché. Nous avons la capacité de planter pour reconstituer une trame bocagère, il nous faut nous associer pour avoir l’équivalent d’une pépinière par département. »
Les leviers sont la renaturation en ville, la replantation des trames urbaines, une politique en faveur de l’agroforesterie en milieu rural, la restauration écologique, donc la prise de conscience de tous les acteurs. Mais les freins sont aussi tout simplement le temps que demande la nature en elle-même, la disponibilité des graines, leur germination. Pour Baptiste Sanson, « les attentes sont importantes. Cela donne du sens à nos actions. Tout le monde doit s’impliquer pour que la filière grandisse ! »
Cécile ClaveiroleDans une prochaine édition, des témoignages de pépiniéristes lancés dans la marque Végétal local.
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